Pleins feux sur la vaccination

MISE A JOUR - Juillet 2003

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Fonds mondial pour les vaccines : le défi

Bon début pour le bras financier de GAVI, mais il reste encore beaucoup à faire

©Wendy Stone/WHO

LORSQUE GAVI et son bras financier, le Fonds mondial pour les vaccins, furent créés en 2000, leur lancement suscita une grande excitation et une couverture médiatique à l’échelle mondiale. Le Fonds mondial pour les vaccins était un nouveau concept, et le don généreux qu’il reçut de la Fondation Bill et Melinda Gates était sans précédent dans le domaine de la santé publique. Trois ans et demi plus tard, l’excitation est toujours présente, mais on prend progressivement conscience du fait que la mobilisation de nouveaux fonds risque d’être plus difficile que beaucoup ne l’avaient pressenti. Le Fonds pour les vaccins est aujourd’hui confronté à un déficit considérable entre ses revenus actuels et les sommes nécessaires pour assurer la réalisation de la vision à long terme de l’Alliance.

Les premiers succès de l’Alliance ont été accomplis rapidement. A la mi-2003, GAVI et le Fonds mondial pour les vaccins s’étaient engagés à fournir près de $1 milliard aux pays sur une période de cinq ans, pour l’achat de nouveaux vaccins et le soutien à l’amélioration des services de vaccination et de la sécurité dans ce domaine(1). Fin 2002, 10 millions d’enfants supplémentaires avaient été protégés contre le virus de l’hépatite B. Onze pays ont maintenant vu leur demande de soutien approuvée en vue d’une vaccination contre l’Haemophilus influenzae type b (Hib) d’ici 2004, ce qui devrait permettre de protéger quelque 4 millions d’enfants en plus. La vaccination est à nouveau une priorité de l’agenda politique. Qui plus est, l’approche initiée par GAVI et le Fonds mondial pour les vaccins consistant à donner aux pays un maximum de contrôle sur les ressources, à mettre l’accent sur la responsabilisation et à récompenser les bonnes performances, est aujourd’hui adoptée par d’autres en dehors du domaine de la vaccination, tel que le Fonds mondial pour la lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme.

Le défi dans un avenir prévisible est de combler un déficit annuel en fonds de $150 millions

Mais pour que l’Alliance puisse assurer des améliorations durables dans le domaine de la vaccination, le Fonds mondial pour les vaccins doit considérablement augmenter son revenu annuel(2). Il dispose de ressources suffisantes pour remplir ses obligations actuelles, mais il lui en faut bien plus. Des plans d’action pour l’avenir à moyen terme sont actuellement à l’étude en concertation avec les pays et les partenaires en vue de se mettre d’accord sur les priorités et d’en calculer le coût.

Depuis le don initial de $750 millions de la Fondation Bill et Melinda Gates en 2000, neuf pays industrialisés ont engagé, au total, $350 millions supplémentaires. Cependant, le Président et Directeur général du Fonds mondial pour les vaccins, Jacques-François Martin, estime qu’il doit réunir $400 millions par an pour mener à bien les plans généraux de GAVI.

Une autre manière de voir les choses consiste à considérer le revenu du Fonds mondial sur une base annuelle. A ce jour, son revenu se situe autour de $250 millions, dont $150 millions par an pendant cinq ans provenant du don initial de la Fondation Gates, et une contribution de la part des gouvernements d’environ $100 millions par an. Alex Palacios, qui travaillait pour l’UNICEF et a rejoint le Fonds mondial pour les vaccins en début d’année pour diriger l’effort de mobilisation de ressources, indique que le revenu obtenu jusqu’ici est impressionnant. « Je pense qu’il est plutôt rare qu’une nouvelle organisation produise autant que nous l’avons fait », fait-il remarquer. « Mais le défi à relever par le Fonds mondial pour les vaccins dans un avenir prévisible est de combler un déficit annuel en fonds de $150 millions. Nous devons atteindre un niveau de $400 millions par an si nous voulons réaliser nos objectifs. »

A plus long terme, le manque de fonds va aller croissant. A partir de 2007 environ, les besoins vont augmenter du fait de la mise en vente de nouveaux vaccins et, d’ici 2011, il faudra que le Fonds mondial pour les vaccins mobilise environ $1 milliard par an pour permettre à l’Alliance de réaliser ses objectifs. 2011 sera vite là.

L’importance du déficit en fonds peut paraître surprenante pour les hommes politiques qui caressaient la fausse idée que le généreux don initial de la Fondation Gates durerait, d’une manière ou d’une autre, pour toujours. Or, comme le souligne Palacios, les $1,1 milliards collectés jusqu’ici représentent « un acompte de taille, mais pas la somme totale engagée ». La vaccination est l’une des interventions les plus rentables qui soient en matière de santé, mais elle n’est pas gratuite. Il faut compter $30 pour protéger entièrement chaque enfant à vie en lui administrant les six vaccins « de base » (DTC, antirougeoleux, antipoliomyélitique et BCG) et deux vaccins sous-utilisés, à savoir les vaccins contre l’hépatite B et contre l’Hemophilus influenzae type b (Hib). Et, chaque année, dans les pays à faible revenu pouvant prétendre au soutien de GAVI, on compte près de 90 millions de nouveaux enfants à vacciner.

©Philippe Blanc/WHO

Bien qu’une grande partie de l’argent du Fonds mondial pour les vaccins ait été consacrée à l’achat de vaccins plus récents, la politique de GAVI consiste à améliorer les services de vaccination dans leur ensemble d’une manière durable et, dans le cadre des plans d’action actuels de l’Alliance, le renforcement de ces services est l’une des premières priorités à plus long terme. Les besoins estimés pour les prochaines années incluent des fonds supplémentaires pour porter la couverture vaccinale à 80 %, conformément aux objectifs de GAVI, pour améliorer la sécurité de la vaccination et pour renforcer les capacités des équipes nationales de vaccination. Vient s’ajouter aussi le coût des travaux visant à accélérer la mise au point d’autres vaccins contre deux des plus grands meurtriers, le rotavirus et le pneumocoque.

Jacques-François Martin reconnaît qu’il a été plus difficile que prévu de recruter de nouveaux donateurs. « Je pense qu’il est clair que nous avions tous sous-estimé, au départ, les difficultés que nous allions rencontrer », dit-il. En général, la mission du Fonds mondial pour les vaccins est accueillie favorablement par les donateurs potentiels, observe-t-il ; peu d’entre eux contestent le principe fondamental selon lequel la vaccination est un moyen rentable, comparativement simple, de sauver des vies. « Mais pour que cette compassion se traduise en espèces sonnantes et trébuchantes, nous devons surmonter certains obstacles. » L’un est la fausse impression de la part de certains gouvernements que le don de la Fondation Gates était suffisamment important pour permettre à tous les autres intervenants de relâcher leurs efforts.

« Nous n’avons pas communiqué assez clairement le fait que Gates lançait au monde le défi de faire une contribution égale à ce don initial », dit-il. De plus, ajoute-t-il, certains pays ont différé leur contribution au Fonds mondial, en particulier en Europe, parce qu’il ne se sentaient pas concernés par la création initiale de l’Alliance. Peu à peu, ces attitudes changent et les pays adoptent progressivement comme leur l’initiative GAVI, observe Martin, mais ce processus demande du temps. Dans le cas d’un pays industrialisé, des représentants de neuf ministères différents et d’organismes politiques nationaux ont tenu au total plus de 40 réunions avec le Fonds mondial avant que le gouvernement ne donne son accord pour un octroi de fonds.

En outre, depuis 2000, le climat économique n’a fait que se détériorer, tandis que d’autres initiatives mondiales pour la santé ont été lancées, certaines plus emblématiques que GAVI et le Fonds mondial pour les vaccins. Tout le monde se dispute des ressources limitées. « Nous devons accroître notre visibilité politique », observe Martin.

Nous devons capitaliser sur un début extraordinaire. Nous ne bénéficions pas d’ordinaire de chances comme celle-ci

Palacios est optimiste. « A mon arrivée, j’ai été impressionné par ce qui avait été accompli jusqu’ici », observe-t-il. « Je m’attendais à ce qu’il y ait au départ un gros travail de mise en place, mais en réalité, cela a déjà été fait. Cette organisation n’existe que depuis un peu plus de trois ans, et nous avons dû survivre à une tranche d’histoire extraordinaire. » Après les attentats terroristes du 11 septembre, beaucoup de gens ont cessé de voyager pendant des mois, ce qui a réduit les occasions d’établir de nouveaux contacts. La guerre, la menace d’un attentat bioterroriste, et même l’obsession des médias vis-à-vis du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ont écarté la vaccination infantile du radar politique plus longtemps que prévu. « Nous devons capitaliser sur un début plutôt extraordinaire. Nous ne bénéficions pas d’ordinaire de chances comme celle-ci. »

Plusieurs changements doivent être apportés. Les effectifs du Fonds mondial vont passer d’une douzaine de personnes seulement à 20 environ, avec davantage de personnes devant se consacrer à plein temps à la collecte de fonds. Une plus grande importance sera attachée à la communication d’informations sur les réalisations des pays soutenus par GAVI et le Fonds mondial pour les vaccins, afin d’attirer de nouveaux donateurs. Martin et Palacios estiment tous deux que les gouvernements donateurs plus sceptiques ont besoin de voir des données concrètes prouvant l’impact positif de l’Alliance. Ces données commencent à émerger. Par exemple, constate Palacios, l’Ouganda a rapporté une augmentation de sa couverture vaccinale de plus de 10 % en l’espace d’un an. « Je crois que bon nombre de gouvernements sont en train d’examiner de plus près les informations que nous fournissons et qu’ils vont bientôt se rallier à notre cause », affirme Palacios.

Il défend la vaccination comme moyen pratique de réduire de moitié la mortalité infantile, engagement que les gouvernements ont pris dans le cadre des Objectifs de développement pour le millénaire. Grâce aux fondations élémentaires posées par le Programme élargi de vaccination, les vaccins permettent déjà de sauver environ 3 millions de vies par an. Si les vaccins existants atteignaient un plus grand nombre d’enfants, 2 millions de vies supplémentaires pourraient être sauvées. La mise au point de nouveaux vaccins contre les virus les plus meurtriers, tels que les rotavirus et les pneumocoques, permettrait de sauver encore 2 à 3 millions de vies en plus. « Ceci représente la moitié des 10 millions de décès infantiles », dit Palacios.

Le Fonds mondial pour les vaccins est aussi en train d’explorer la possibilité de recruter de nouveaux types de donateurs. Palacios veut établir de meilleures relations avec les organisations non gouvernementales et les groupes de pression. « Je pense, par exemple, qu’il est très important de s’assurer qu’Oxfam comprenne qu’il s’agit d’une initiative qui les concerne aussi. » Martin présente aussi des idées pour attirer de nouveaux donateurs du secteur privé, ainsi que des programmes de dons simples qui renforceraient la solidarité entre les utilisateurs de vaccins des pays riches et leurs pairs dans les pays plus pauvres.

A long terme, on explore des mécanismes de financement plus novateurs. Le Fonds mondial pourrait par exemple acheter une réduction d’intérêt pour les prêts consentis à un pays par l’Association internationale pour le développement (AID), bras de la Banque mondiale consentant des prêts à taux bonifié, lorsqu’un objectif de vaccination spécifique est réalisé. L’intérêt sur les prêts étant en réalité nul, chaque dollar dépensé débloquerait au moins $2,50, maximisant ainsi l’efficacité du soutien des donateurs. Cette approche a déjà été adoptée pour financer l’achat de vaccins antipoliomyélitiques(3). Martin dit que le Fonds mondial pour les vaccins explore aussi divers mécanismes faisant intervenir les marchés financiers, ainsi que les possibilités pour le Fonds mondial lui-même d’emprunter de l’argent. « Mais on n’en est qu’au tout début », insiste-t-il.

Le Fonds mondial pour les vaccins a toujours eu pour objectif de catalyser des fonds provenant d’autres sources, et la politique de GAVI consiste à encourager les gouvernements et leurs partenaires à prendre la responsabilité du financement de leurs propres services de vaccination à la fin de la période de soutien du Fonds mondial. Mais, de l’aveu de Martin, le soutien que le Fonds mondial apporte à des activités spécifiques ne saurait s’arrêter brusquement ; il sera réduit progressivement sur plusieurs années. D’ici là, de nouvelles sources de financement pour la vaccination devront être en place : le défi consiste à établir dès maintenant des partenariats étroits avec ces nouvelles sources.

Lectures complémentaires

  • Voir http://www.vaccinealliance.org/home/Support_to_ Country/Country_Status/index.php
  • Vaccine Fund Strategic Plan 2002­2006. (Plan stratégique du Fonds mondial pour les vaccins 2002-2006). Disponible auprès du Fonds mondial pour les vaccins : www.vaccinefund.org
  • Communiqué de presse de la Banque mondiale, 29 avril 2003 (2003/304/S) à www.worldbank.org

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