Pleins feux sur la vaccination

ARTICLE SPECIAL - Mars 2001

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Avant tout, ne pas faire de mal

Lisa Jacobs se penche sur l’itinéraire qui mène à la sécurité des injections - de la reconnaissance du problème au passage à l’action May 2000


Regardez ce que j’ai trouvé : des enfants jouent avec des seringues abandonnées

VOUS le savez peut-être déjà : les pratiques d’injection à risque propagent la maladie. Par une cruelle ironie du sort, les personnels de santé qui travaillent à améliorer la santé des personnes peuvent involontairement propager le mal avec chaque pointe de seringue non stérile, chaque fois qu’ils remuent une seringue jetable usagée dans un bac d’eau chaude pour finalement l’utiliser à nouveau ou qu’ils la jettent dans une poubelle.

Le résultat ? De 8 à 16 millions de nouveaux cas d’infection par la nouvelle hépatite B, de 2,3 millions à 4,7 millions de nouveaux cas d’infection par la nouvelle hépatite C et de 80 000 à 160 000 nouveaux cas d’infection par le VIH par an. On estime que ces infections chroniques sont responsables d’1,3 million de décès prématurés et représentent $535 millions en coûts médicaux directs chaque année.

Les injections sont prescrites pour de nombreuses raisons. Alors qu’elles sont essentielles pour l’administration de vaccins et de bien des traitements, elles sont également prodiguées pour d’autres raisons discutables. La conviction selon laquelle une injection est le moyen le plus puissant et le plus rapide d’administrer un médicament - même si la seringue ne contient que des vitamines - contribue à une surdemande et une surprescription d’injections. En fait, on estime que la majorité des injections administrées pour des raisons curatives dans les pays en développement ne sont pas nécessaires.

Pourquoi les injections à risque sont-elles tolérées par le personnel de santé, les patients, les personnes en charge de la garde d’enfants et les responsables gouvernementaux ? Les réponses sont complexes et comprennent des impératifs économiques et des attitudes culturelles par rapport à la question des déchets. Mais peut-être, la raison la plus importante réside-t-elle dans le fait que les personnes qui disposent de pouvoirs de décision, y compris les patients, les personnes en charge de la garde d’enfants, ne comprennent pas les risques, l’étendue du problème ou bien que les solutions (Encadré 1) sont à portée de main.

Tableau 1: dix actions pour améliorer la sécurité des injections

Patients Déclarez une préférence pour les médicaments par voie orale lors de visites auxcentres médicaux
  Exigez une seringue stérile pour chaque injection
Personnel de santé Evitez autant que possible de prescrire un traitement par injection
  Utilisez une seringue stérile pour chaque injection et débarrassez-vous en Convenablement
Services de vaccination Livrez les vaccins avec un nombre correspondant de seringues autobloquantes et de boîtes pour objets pointus
Programmes de médicaments essentiels Mettez des seringues stériles et des boîtes pour objets pointus à la disposition de chaque centre médical
Programmes de prévention du VIH/SIDA Intégrez une sensibilisation aux dangers des injections à risque dans toutes les activités de nature éducative et visant à changer les comportements
Système de soins Veillez à ce que la gestion des déchets contenant des objets pointus fasse partie intégrante des obligations de soin du système
  Faites du contrôle de la sécurité des injections un indicateur critique de la prestation des services de santé
Ministère de la Santé Coordonnez les politiques nationales adaptées à l’aide d’estimations des coûts, de budgets et de financements appropriés

Selon le Dr Yvan Hutin, épidémiologiste et expert de l’hépatite B, qui dirige le Safe Injection Global Network (SIGN), comprendre le problème est non seulement la première mais également la plus importante des étapes.

En fait, dans bien des cas, dès que les gens voient des preuves de ce qui se passe, il sont convaincus qu’ils doivent faire quelque chose pour remédier à la situation, déclare le Dr Hutin. « Le problème des injections à risque ne se résoudra pas de lui-même. Mais lorsque la sécurité est intégrée aux plans et budgets du secteur de la santé, la situation s’améliore. »

Un problème avec des solutions claires

En 1995, une étude réalisée au Burkina Faso a révélé qu’une injection sur dix dans les dispensaires ruraux était réalisée avec des équipements stériles. Un nouveau système a ensuite été introduit pour rendre les médicaments essentiels, y compris les seringues jetables stériles, facilement accessibles à chaque dispensaire par le biais d’un système de recouvrement des coûts. Cinq ans plus tard, l’impact sur la sécurité était étonnant : en 2000, presque 100 % des injections dans les centres participant à l’étude ont été administrées avec une seringue stérile. Dans ce cas précis, l’augmentation de l’approvisionnement en seringues a conduit a une augmentation de la demande une demande pour laquelle les gens étaient prêts à payer.

« L’expérience du Burkina Faso montre combien il est facile de résoudre ce problème », dit le Dr Hutin. « Quelquefois, il suffit de mettre des seringues propres à disposition. »

La démarche d’approvisionnement, ou encore logistique, qui a marché au Burkina Faso, ne sera pas la solution pour tous les pays. La demande a dicté l’approvisionnement en Roumanie, où une épidémie d’infections par le VIH dont on a beaucoup parlé s’est produite dans les années 90 chez les orphelins. Les enfants avaient été infectés par des transfusions sanguines et des injections pratiquées dans les orphelinats.

Avec les images frappantes des patients infectés par le VIH au cours d’un traitement médical, l’inquiétude par rapport aux maladies contractées par des seringues a progressé au sein de la population. Les gens ont exigé de nouvelles seringues, dans des paquets scellés, pour chaque injection, et le système a réagi.

« A chaque fois qu’une intervention a été financée et tentée, qu’il s’agisse d’un changement de comportement ou non, de la fourniture d’approvisionnements ou de la gestion des déchets d’objets pointus, celle-ci a eu un impact », déclare le Dr Hutin. « Par conséquent, si nous adoptons une approche à l’échelle du secteur qui combine toutes ces interventions à faible coût, nous devrions être en mesure d’éliminer les pratiques d’injection à risque. »

PEV : une petite partie du problème, une grande partie de la solution

Bien que les injections de vaccination représentent moins de 10 % des 12 milliards d’injections administrées chaque année, la plupart des systèmes de santé ont considéré que la sécurité des injections relèvent de la responsabilité du Programme élargi de vaccination, ou PEV. Malheureusement, cette responsabilité n’a pas été soutenue par des budgets adéquats. Et bien qu’il soit essentiel que les programmes de vaccination disposent de pratiques sans risques, les responsables du PEV n’ont aucun contrôle sur l’utilisation et la surutilisation des injections dans le système de santé tout entier.

« Nous ne pouvons pas résoudre le problème », estime le Dr Caroline Akim, Responsable du PEV en Tanzanie. « Mais nous pouvons avoir un rôle de promoteur et pousser le système de santé à traiter ce problème. » En fait, promouvoir des politiques et des pratiques d’injection sans risques est une opportunité pour les programmes de vaccination d’avoir un impact profond à travers l’ensemble du système.

La plus grande priorité, selon bon nombre de gens, est d’adopter un politique d’injection et d’élimination sans risques. « Il est nécessaire d’avoir une politique à l’échelle du système pour étendre la responsabilité de la sécurité des injections à l’intégralité du secteur de santé, au lieu de restreindre celle-ci au PEV », déclare le Dr Akim. Une politique nationale confère également aux programmes l’autorité de dépister et de mettre un terme aux interventions à risque.

Cependant, une bonne politique ne se mesure qu’à la qualité de sa mise en œuvre. Sans endossement par toutes les parties prenantes, une politique d’injection et d’élimination sans risques ne sera guère plus qu’une règle supplémentaire dans les manuels - qui pourra être considérée comme importune, rendant les coûts des programmes plus élevés, voire privant peut-être même les gens de revenus dont ils ont grand besoin.

« Une politique qui n’est pas appliquée revient à ne pas avoir de politique du tout », déclare le Dr B. Wabudeya, Ministre d’Etat pour la Santé en Ouganda. Le danger ? Que les personnes occupant des postes à responsabilité soient amenées à penser qu’une fois qu’une politique est couchée sur papier et adoptée, la situation est réglée.

Mesurer le problème

Si la découverte constitue la première étape vers la résolution du problème, la première étape vient de se trouver simplifiée. Une méthodologie simple et focalisée de suivi des pratiques d’injection et d’élimination, de documentation des connaissances et de compréhension du problème chez le personnel de santé et les patients vient juste d’être développée conjointement par SIGN, l’OMS et BASICS, un programme financé par l’Agence des Etats- Unis pour le développement international. Appelé « Tool C » (comme dans troisième dans une série de quatre), cette nouvelle technologie a été testée au Burkina Faso, au Niger, en Ethiopie, au Mali, en Mauritanie, au Zimbabwe et en Egypte(1). L’objectif est de faciliter pour les gouvernements le suivi de la sécurité des injections, le contrôle du pourcentage des enfants vaccinés ou encore la couverture vaccinale. « A quoi bon augmenter la couverture vaccinale si vous augmentez également le contact à l’hépatite B et C ou au VIH ? », interroge Hutin.

Les méthodes derrière Tool C sont simples. Dans chaque pays, une équipe de 12 personnes suit les activités de 80 dispensaires dans 10 districts sur une période de 2 semaines. Chose importante : les données rassemblées sont d’ordre pratique ; les pays peuvent donc rapidement identifier les solutions à apporter. Par exemple, l’équipe se renseigne pour savoir combien de dispensaires disposent d’un lieu dédié à la préparation des injections et s’ils disposent de l’équivalent d’au moins une semaine de stock de matériel de seringues jetables / autobloquantes. Les mesures sont standardisées, ce qui signifie qu’au fur et à mesure qu’un plus grand nombre de pays entre dans le processus, les problèmes communs peuvent être mis en évidence et les mesures adéquates mises en place.

Déchets dangereux

Tool C a identifié un grave problème au Burkina Faso qui a pris bon nombre de communautés au dépourvu. Les enquêteurs ont découvert des seringues abandonnées dans des conteneurs ouverts dans 66 dispensaires, faisant ainsi courir au personnel de santé le risque d’être piqué accidentellement par des seringues. Dans la plupart des centres médicaux, on a trouvé les aiguilles et les seringues usagées dans la zone environnante : un danger pour toute la communauté locale - une situation qui a été identifiée dans un certain nombre de pays.

« Dans beaucoup de pays en développement, le ramassage et l’enlèvement des déchets sont considérés comme relevant de la responsabilité municipale - et non de celle des hôpitaux et du système de santé », déclare Annette Prüss, de la Division de la sécurité environnementale de l’OMS. « Le concept du « pollueur qui paie » est un concept très occidental. »

Il n’y a pas que les enfants qui trouvent que les seringues constituent des jouets efficaces pour faire des giclées ; dans bon nombre de pays, les pilleurs de poubelles fouillent eux aussi les détritus à la recherche d’objets pouvant être revendus. Les seringues jetables conventionnelles peuvent être rincées, ré-emballées et revendues comme neuves alors qu’en réalité, elles ne sont pas stériles. Selon les experts de l’environnement, certains membres du personnel soignant recueillent en fait les seringues usagées pour les vendre à des « recycleurs », générant un revenu pour les deux parties. Et un risque pour beaucoup.

A présent, après avoir pris conscience de leur problème d’élimination des déchets, les responsables de la santé au Burkina Faso ont développé des plans pour remédier à la situation. Leurs chances de réussite sont grandes : une évaluation récente en Côte d’Ivoire a révélé que les infrastructures assumant la responsabilité des déchets cliniques dans le cadre de leurs obligations de soins sont parvenues à éliminer les objets pointus sales de leur environnement.

« Ce qu’il faut par-dessus tout, c’est la volonté de traiter le problème », conclut le Dr Hutin.

La technologie à la rescousse ?

De nombreux pays remédient à la question de la sécurité des injections en passant aux seringues autobloquantes pour effectuer les vaccinations. Les seringues autobloquantes disposent d’un mécanisme conçu pour verrouiller la seringue après utilisation afin qu’elle ne puisse pas être réutilisée. Les pays qui ont été approuvés pour recevoir les vaccins de GAVI et du Fonds mondial bénéficieront également du nombre requis de seringues autobloquantes. GAVI étudie à l’heure actuelle une politique visant à aider les pays à effectuer la transition des seringues stérilisables et/ou jetables aux seringues autobloquantes pour l’ensemble des vaccins, ceci dans le but de pousser ces derniers à s’aligner sur la politique de l’OMS, de l’UNICEF et de l’UNFPA, qui préconise l’utilisation de seringues autobloquantes pour tous les vaccins d’ici 2003.

Mais quand il est question de sécurité, la technologie n’apporte pas toutes les solutions. « Si vous voulez apprendre comment réutiliser une seringue « autobloquante », venez au Pakistan », déclare Johnny Thaneoke Kyaw-Myint, Responsable de projet senior pour la Santé et la Nutrition à l’UNICEF, au Pakistan. Il n’est bien évidemment pas sérieux. « Les gens ont appris à manipuler la seringue de manière à ce que le mécanisme ne se bloque pas, afin qu’elle puisse être réutilisée ou vendue puis réutilisée. »


Un bon départ : les boîtes de sécurité réduisent les risques, mais leur élimination finale doit, elle aussi, se faire en toute sécurité

La leçon à tirer ? Il faut éduquer, motiver et soutenir les gens pour qu’ils exigent une seringue stérile pour chaque injection. La fourniture d’équipement d’injection sans risques devrait s’inscrire dans une stratégie plus large comprenant également un encouragement vis-à-vis du changement de comportement et de la gestion des déchets d’objets pointus.

Actuellement, 500 millions de seringues autobloquantes sont produites chaque année pour être utilisées dans les pays en développement. Dans les deux années à venir, de plus en plus de pays emboîtant le pas, on estime que ce chiffre atteindra les 2 milliards. La question de l’élimination devient un peu plus critique chaque jour.

Selon le Dr Prüss, des initiatives simples peuvent être prises immédiatement. Les approvisionnements en boîtes pour objets pointus devraient être disponibles dans tous les dispensaires, pas seulement à temps pour les campagnes de vaccination. De petits incinérateurs peuvent être construits ; des fabricants de four locaux peuvent être employés pour construire des incinérateurs. Les coûts sont abordables : un petit incinérateur pour un district peut être construit pour un prix inférieur à $700, selon le Dr John Lloyd, expert en vaccination du Programme Bill et Melinda Gates de vaccins pour l'enfant auprès du PATH.

Jusqu’à récemment, le problème des injections à risque semblait insurmontable, dit le Dr Hutin. « Mais en fait, au vu de l’expérience acquise, nous savons maintenant que la sécurité est un domaine facile à aborder, à condition que le système de santé ait la volonté d’y remédier. Nous connaissons des stratégies simples à suivre et les résultats sont visibles et rapides. »

Référence

(1) Pour l’intégralité de la série et un résumé, consulter http://www.injectionsafety.org/html/resources.html

Fiche pays 1 : le Pakistan - un pays prêt au changement

CERTAINS seraient découragés par l’échelle des défis auxquels est confronté le réseau nouvellement constitué de sécurité des injections du Pakistan. Mais le Dr Arshad Altaf, un des principaux organisateurs du réseau ne donne pas l’impression d’être le type de personne à se décourager.

« Il n’existe pas de raccourci ; nous avons besoin d’éducation et de formation, et la sécurité des injections doit faire l’objet de l’attention qu’elle mérite et occuper la place qui lui revient », dit le Dr Altaf, docteur en médecine et épidémiologiste du comportement de l’Université Aga Khan de Karachi.

La charge de morbidité des infections par voie sanguine est lourde au Pakistan. On estime qu’une personne sur dix de la population dans son ensemble est une porteuse chronique du virus de l’hépatite B (VHB). Ces dernières années, le virus de l’hépatite C (VHC) s’est rapidement propagé ; dans certaines parties du Pakistan, plus d’une personne sur 20 est une porteuse chronique. Les chercheurs ont conclu que les injections à risque constituent la cause la plus probable de l’épidémie croissante du VHC. Et puisque le VHC a encore plus de chances que le VHB d’être à l’origine de maladie chronique du foie, la charge de morbidité de la maladie à long terme est en hausse.

Injections inutiles

Des études réalisées à Hafizabad, au sud-ouest de Lahore, et à Darsano Channo, près de Karachi, ont toutes les deux révélé que le contact aux injections constituait le facteur de risque le plus important de transmission de l’hépatite ; plus d’injections il y a, plus la probabilité d’être contaminé est grande (1).

« Les anti-inflammatoires, les antibiotiques, les traitements contre le paludisme, les stéroïdes et les multivitamines sont tous administrés par injection », dit le Dr Altaf. Tout cela se paie : il n’est pas rare que les patients doivent débourser la somme de 30 roupies pakistanaises (environ $0,5) pour une injection alors que le revenu total du ménage ne dépasse souvent pas les $1,60 par jour. « Quand on arrive à court de seringues, les dispensaires se contentent de les tremper dans l’eau et les réutilisent », raconte le Dr Altaf.

Dans une étude réalisée au centre hospitalier universitaire Aga Khan, le Dr Naheed Nabi et d’autres (2) ont découvert que la plupart des patients croyaient que les injections avaient plus d’efficacité que les médicaments par voie orale et étaient prêts à payer plus pour en bénéficier. Mais quand ils ont appris que les médicaments par voie orale étaient tout aussi efficaces, 80 % des patients ont dit qu’ils préféraient éviter une injection.

Il est intéressant de constater que 91 % des patients ayant bénéficié de traitements injectables ont indiqué que leurs médecins traitants les recommandaient, ce qui contredit la théorie selon laquelle les personnels de santé ne font que répondre à la demande. Seuls 9 % des patients avaient demandé un traitement par injections.

Seringues recyclées

Un autre problème est celui de l’élimination des déchets. « Il n’y a pas de système adéquat de gestion ou d’élimination des déchets », déclare le Dr Altaf. Son équipe a traqué les destinations finales des seringues d’hôpitaux et des laboratoires cliniques à Karachi. Bon nombre d’entre elles sont déposées dans les décharges publiques, où les jeunes pilleurs de poubelles les ramassent et les vendent à des revendeurs de drogue. Certaines sont également vendues aux pilleurs de poubelles par des membres du personnel d’entretien qui travaillent dans les dispensaires et les laboratoires.

« Les seringues usagées avec aiguilles sont vendues au kilo pour un prix atteignant 10 roupies pakistanaises ($0,17) », affirme le Dr Altaf. Les aiguilles sont enlevées par les revendeurs et refondues. La partie plastique de la seringue est lavée, écrasée et transformée en granules qui sont ensuite vendus à l’industrie des produits plastiques. Une minorité de seringues sont également remballées et vendues pour utilisation médicale ultérieure.

Les gains retirés de ce commerce dangereux qu’est le recyclage de seringues usagées peuvent sembler dérisoires aux yeux des étrangers aisés vivant dans les pays industrialisés. Mais pour les personnes disposant de faibles revenus, ceux-ci représentent des sommes non négligeables, poursuit le Dr Altaf. « Avec la motivation financière et la culture de réutilisation fortement enracinée dans le pays, nous nous attendons à ce que le recyclage continue », conclut-il.

Eduquer les pilleurs de poubelles

Selon le Dr Altaf, le Pakistan doit développer un système adéquat (3) pour l’élimination des déchets cliniques. Ceci, couplé au final avec l’utilisation de seringues autobloquantes (AD) dans les dispensaires de vaccination du pays, réduira probablement les risques d’infections transmises par voie sanguine. Mais tant que les médecins et les patients n’auront pas acquis une meilleure compréhension des risques d’infection et tant que le nombre d’injections thérapeutiques non nécessaires n’aura pas décliné, un grand nombre de seringues conventionnelles jetables finira dans les décharges publiques. Le Dr Altaf croit qu’il serait pragmatique d’éduquer ceux qui interviennent au sein du commerce de recyclage sur les risques d’infection et de créer un système fiable pour enlever et incinérer les aiguilles en toute sécurité avant que les seringues ne soient mises au rebut. S’il n’est pas possible, de manière réaliste, d’arrêter le recyclage des seringues pour obtenir du plastique remoulé, les risques peuvent tout au moins être réduits pour tous.

Pendant la courte année qui s’est écoulée depuis que le Pakistan a constitué son réseau national pour le Safe Injection Global Network, on n’a pas perdu de temps. Aujourd’hui, les activités du réseau commencent à porter leurs fruits : le pays a pris la mesure de l’ampleur du problème et - chose cruciale - la plupart des acteurs du système de santé tiennent désormais à changer les choses.

Références

(1) Présentation lors de SIGN Pakistan symposium, février 2000, par le Dr Stephen Luby, CDC, Atlanta, Etats-Unis.

(2) Présentation lors de SIGN Pakistan symposium, février 2000, par le Dr Naheed Nabi, Aga Khan University, Karachi, Pakistan.

(3) Pour une mise à jour sur les politiques et les activités de l’OMS dans le domaine de l’élimination des déchets de santé, consulter l et http://www.who.int/inf-fs/en/fact253.htm and www.injectionsafety.org/documents/Aide-Memoire- HCWM.pdf

Phyllida Brown



Fiche pays 2: l’Egypte : ‘Nous devons faire diminuer la demande en injections’

L’EGYPTE connaît plus que tout autre pays la charge de morbidité qui découle de la réutilisation d’aiguilles. Une proportion étonnamment élevée de la population - environ une personne sur huit - est infecté par le virus de l’hépatite C (VHC), l’hépatite B étant également très répandue (1). La plus grande partie de la charge de morbidité de cette maladie est attribuée à des injections à risque. Le problème ne date pas d’hier, mais il existe dorénavant un nouvel engagement, solide, pour y trouver une solution.

« La sécurité des injections et le contrôle de l’infection sont devenues de grandes priorités du Ministère de la Santé et de la Population », déclare le Dr Maha Talaat, spécialiste de la santé publique et directeur général d’un nouveau programme au ministère. L’objet du programme est la prévention de la transmission de pathogènes sanguins au sein des services de santé. Le Dr Talaat est également membre d’une nouvelle coalition nationale de personnels de santé qui s’efforce de sensibiliser la population aux questions de sécurité des injections.

Une partie du problème en Egypte peut être imputée au traitement en masse de la bilharziose avant les années 80. Le traitement nécessitait de multiples injections et on pense qu’il est à l’origine de la propagation importante du VHC (2). De nouveaux cas d’infection par le VHC continuent à apparaître aujourd’hui, bien que le traitement de la bilharziose ait été remplacé il y a bien longtemps. Les chercheurs estiment que ceci est toujours dû aux aiguilles réutilisées. De nos jours, les études suggèrent que le VHC continue à se transmettre par le biais d’injections à risque et d’autres pratiques de santé.

La plupart des injections ne sont pas nécessaires. « Les personnes préfèrent les injections aux traitements par voie orale parce qu’elles pensent que les injections vont leur permettre de guérir plus rapidement », dit le Dr Talaat. « Nous avons besoin de faire diminuer la demande en injections. »

Le gouvernement a planifié soigneusement sa réponse. Cette année, le nouveau programme rassemble des données de base essentielles afin de pouvoirmesurer l’impact des interventions qui commenceront l’année prochaine, y compris la formation des personnels de santé, l’éducation et les campagnes médiatiques de masse à l’attention du public, ainsi qu’une initiative pour s’assurer que les approvisionnements en équipement stérile sont disponibles en permanence.

La grande priorité, selon le Dr Talaat, est d’éduquer ceux qui administrent les injections. La première étape consiste à les identifier. L’équipe a déjà découvert, à partir d’une étude menée dans un gouvernorat, que plus de 40 % des injections dans cette zone sont administrées non pas par des personnels de santé formés, mais par des personnes non formées parmi lesquelles parents, amis et « coiffeurs soignants », dont les services sont meilleur marché que ceux des médecins. Les conclusions de cette étude, de même que d’autres études sur les pratiques des personnels de santé à travers le pays, seront essentielles à la formulation et au ciblage des documents de formation.

Autre grande priorité selon le DrTalaat : la mise en œuvre de systèmes plus sûrs d’élimination des déchets cliniques. « Le Ministère des Affaires Environnementales, avec le concours du Ministère de la Santé et de la Population, travaille actuellement à résoudre ce problème », précise le Dr Talaat. Par ce qu’il n’existe pas de système adéquat pour le transport et l’incinération des déchets cliniques, toutes les seringues - qu’elles soient ou non placées dans des boîtes de sécurité - représentent un danger une fois qu’elles ont quitté le centre médical. Certaines se retrouvent dans les décharges municipales, où les enfants jouent avec. Le DrTalaat déclare que si le système d’élimination finale n’est pas correctement géré, aucun type de matériel, y compris les boîtes de sécurité ou les seringues autobloquantes (AD), ne peut être considéré « sans risques ».

Personne ne doute de l’ampleur du défi auquel l’Egypte est confrontée. Mais désormais, celui-ci est reconnu. Et avec un nouveau programme gouvernemental et une coalition active des personnels de santé déterminés à changer les choses, la bataille est engagée.

Références

(1)Article de presse de l’OMS : http://www.who.int/inf-pr-2000/en/pr2000-14.html

(2) Frank et al. The role of parenteral antischistosomal therapy in the spread of hepatitis C virus in Egypt. The Lancet, 2000, 355: 887-891.

Phyllida Brown

Pleins feux sur la vaccination • Mars 2001 - Contenu

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