ACTUALITES - Juillet 2002
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Dures leçons et rapide réforme pour le système d’achat de vaccins
L’ALLIANCE doit adopter un mécanisme plus efficace et plus transparent pour l’achat des vaccins, a convenu son Conseil d’administration. La décision fait suite à un rapport d’enquête (1) sur le premier cycle d’achat et d’introduction de nouveaux vaccins qui a fait ressortir des carences importantes dans le système et a appelé à des changements immédiats.
Les problèmes du premier cycle d’achat de vaccins, qui s’est déroulé au cours de 2000 et 2001, ont résulté en grande partie du calendrier ambitieux que GAVI s’est fixé. Juste après son lancement, l’Alliance a entrepris de permettre à des pays à faible revenu d’introduire de nouveaux vaccins contre deux maladies importantes - l’hépatite B et l’Haemophilus influenzae type b (Hib). Ce faisant, celle-ci cherchait à démontrer l’existence d’un marché bien réel pour des vaccins plus récents dans les pays en développement.
> Piers Whitehead : le monde a changé |
Mais tandis que le rapport d’enquête a révélé que l’Alliance avait effectué des progrès remarquables pour ce qui est de rendre les vaccins plus récents accessibles à un plus grand nombre d’enfants, à des prix raisonnables, il a constaté un manque de demande crédible et prévisible pour les vaccins, une communication peu claire visà- vis des fournisseurs et un résultat cumulé des plus confus de la part d’un groupe de partenaires aux « rôles flous et se chevauchant », au sein duquel personne n’était en définitive responsable du processus. A ces égards, le rapport a conclu que le premier cycle avait été « une occasion manquée ».
Plus grave encore a été l’ecart entre les contrats passés avec les fabricants en vue de fournir le vaccin et les quantités effectivement achetées. Pour 2001, l’UNICEF avait indiqué qu’il souhaitait 98 millions de doses de vaccin mais n’en a acheté que 18 millions. Pour le vaccin monovalent contre l’hépatite B, seuls 11 % de ce qui avait été requis fut effectivement acheté.
Mercer Management Consulting, un cabinet qui s’est penché par le passé sur les questions d’approvisionnement en vaccins pour l’UNICEF, a été commissionné par le Groupe spécial pour les finances de GAVI et par le Fonds Mondial pour les vaccins pour réaliser un rapport d’enquête. L’objectif était de tirer les leçons pour l’avenir immédiat et non pas de blâmer quiconque pour ce qui relève du passé. Piers Whitehead, co-auteur du rapport et vice-président au bureau de San Francisco du cabinet, a déclaré à Pleins Feux sur la Vaccination que le premier cycle d’achats avait été un apprentissage ardu pour tous les intéressés.
« Il est important de ne pas ignorer le fait que jusqu’à présent, aucun antigène nouveau n’a été introduit dans le Programme élargi de vaccination depuis que celui-ci a été mis en place au début des années 1970 », rappelle Whitehead. Il ajoute que, par le passé, le secteur public a toujours été en mesure d’obtenir les vaccins dont il avait besoin et n’a donc pas eu besoin d’investir autant de temps et d’énergie dans l’élaboration de prévisions précises de la demande comme il le fait aujourd’hui. « Mais le monde a changé », conclut Whitehead.
Pour s’assurer que le premier cycle d’achats serve de leçon avant que le deuxième ne commence, des mesures immédiates sont requises. Le processus d’appel d’offres pour le deuxième cycle doit commencer dans quelques semaines, en septembre. Lors de sa réunion à Paris le 19 juin, le Conseil d’administration a approuvé la recommandation du rapport selon laquelle un chef de projet unique assurera la coordination de l’achat des vaccins et les rôles de chaque partenaire engagé dans le processus. Le chef de projet sera placé sous la responsabilité d’un petit organe de surveillance que le Conseil de GAVI devra nommer.
En plus d’évaluer le premier cycle d’achats, le rapport Mercer a également réalisé une évaluation de l’ensemble du marché du vaccin et des implications de la structure du marché pour la stratégie d’achat de GAVI. Le rapport a confirmé que, bien que le marché se soit développé rapidement - il a plus que doublé depuis 1992 - la croissance porte principalement sur les vaccins dans les pays industrialisés. GAVI est un acteur de petit calibre avec relativement peu d’influence sur la détermination des activités des grandes sociétés pharmaceutiques, bien qu’elle soit un acteur de taille pour les nouveaux fournisseurs dans les pays à revenu moyen et faible.
Les grandes recommandations du rapport Mercer :
- Mettre en place une approche de type management de projet pour la planification et la mise en œuvre de grandes initiatives de l’Alliance, telles que l’achat des vaccins
- Mener l’approche « management de projet » en accompagnement du prochain cycle d’achat de 2004-2006
- Créer ou bien charger un organe de veille existant de suivre les progrès et tenir le chef de projet et les individus et institutions concernés responsables des résultats
- Assurer que les informations relatives à la demande, la préférence produit et les besoins futurs soient partagées avec l’industrie, à moins qu’il n’y ait une raison bien précise de ne pas le faire
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Dr Tore Godal, Secrétaire exécutif de GAVI, a déclaré que le rapport avait mis en exergue la complexité d’acheter des vaccins et l’importance de bien comprendre un marché où les approvisionnements, autrefois abondants, sont désormais plus étroitement équilibrés par rapport à la demande. « Une autre leçon à tirer est que nous avons besoin d’orientation stratégique à long terme », estime-t-il. « L’industrie nécessite de la part du secteur public des plans crédibles et établis sur plusieurs années avant de pouvoir investir dans la production de vaccins. Les engagements des donateurs doivent prendre cela en compte. »
Le rapport fait cependant état de certains résultats positifs du premier cycle d’achat. Tout d’abord, l’Alliance a réalisé « une œuvre unique » en réussissant à accroître l’accès des enfants à des vaccins sousutilisés dans un laps de temps record extrêmement court, soit 14 mois entre le début et la fin du projet ; au total, 41 millions de doses de DTC-HepB et de DTCHepB-Hib sont prêtes à être livrées au cours de 2002-2003. Deuxièmement, et chose tout aussi importante, les commandes de vaccins ont relancé à nouveau l’industrie, incitant ainsi les fabricants à accroître leurs capacités de fabrication de ces vaccins et à se faire concurrence les uns aux autres. A plus long terme, cela signifiera des vaccins en plus grande abondance et à un prix plus abordable.
Troisièmement, le rapport montre que les prix négociés pour les vaccins ont aussi été raisonnables. Par exemple, la conjugaison DTCHepB- Hib a été achetée presque à la moitié du prix auquel le vaccin Hib sous forme monovalente est vendu dans les pays industrialisés. Ces prix ont profité au secteur public, mais ont également donné aux fabricants un retour adéquat pour leurs produits, rompant avec la tradition selon laquelle les vaccins pour le Programme élargi de vaccination devraient être vendus presque à prix coûtant. Alors que Mercer reconnaît que cette rupture avec la tradition « pourrait donner lieu à controverse pour certains », son rapport préconise que les fabricants de vaccins nécessiteront des retours adéquats pour que l’approvisionnement en vaccins des pays à faible revenu soit viable.
L’analyse faite par le rapport des problèmes relatifs au premier cycle a montré que plusieurs facteurs expliquent la grave inadéquation entre la demande prévue et la demande réelle. Parmi les grandes raisons, le fait que GAVI ait promu l’utilisation des vaccins conjugués avant que la situation de l’approvisionnement n’ait pu être clarifiée par les partenaires de l’industrie. Quand il est apparu que les fournitures de ces produits seraient bien en deçà de la demande, l’Alliance a été forcée de les « rationner » et certains pays ne se sont vu proposer que l’option d’utiliser les approvisionnements abondants de vaccins contre l’hépatite B sous forme monovalente en lieu et place. Par conséquent, deux grands pays qui avaient initialement indiqué qu’ils souhaitaient le vaccin contre l’hépatite B, mais en version conjuguée, ont décidé de retarder son introduction. Cela a été une « une source d’erreur importante » en termes de prévision, indique Whitehead. Selon le rapport, bien que l’écart entre les contrats passés et la quantité de vaccins achetés s’amenuise au fur et à mesure que ces pays s’alignent, « du point de vue fournisseur, ce volume retardé devrait probablement être considéré comme une perte sèche ».
Autre facteur : les contrats passés auprès des fabricants étaient basés sur le plus optimiste parmi trois scénarios de demande. En outre, le processus d’octroi des offres est venu ajouter 17 millions de doses supplémentaires à ce chiffre déjà élevé. Plusieurs explications éventuelles de cette décision sont suggérées dans le rapport. Il semble que le processus d’octroi des offres ait servi deux objectifs contradictoires : premièrement, assurer des approvisionnements adéquats dans les pays, ce dont l’UNICEF se charge d’ordinaire de manière efficace et deuxièmement, obtenir de l’industrie la quantité de vaccins disponible.
Pressés par le temps
Les 17 millions de doses supplémentaires ont peut-être été ajoutées parce que les entreprises avaient fait des offres basées sur certaines quantités que l’UNICEF devait accepter ou rejeter dans leur intégralité. « Quelle que soit l’explication, l’écart entre le contrat passé et la quantité supplémentaire ne soutient pas l’objectif d’une demande crédible et prévisible », conclut le rapport.
Parce que le temps pressait, les commandes de vaccins ont dû être passées avant que les besoins en termes de demande ne soient clairement connus. « Evidemment, étant donnée la pression du temps et la nouveauté du terrain sur lequel nous nous trouvions, une certaine inexactitude était inévitable », mentionne le rapport.
Le rapport note encore que trois processus « semi-indépendants » ont été utilisés par l’Alliance pour établir les besoins en vaccins des pays, à savoir les propositions des pays eux-mêmes pour les attributions, les prévisions élaborées pour le Groupe spécial pour les finances et les propres consultations de l’UNICEF avec les pays. « En somme, d’un point de vue achat et prévision, ces processus ont produit le bilan décevant de 2001 », conclut le rapport. Selon Steve Jarrett, Vice-directeur de la Division Approvisionnement de l’UNICEF, « le démarrage a été plus lent que prévu à cause des retards en termes de disponibilité des vaccins et des décisions des pays de modifier le calendrier, la quantité et, dans certains cas, les types de vaccins demandés».
Pour l’industrie du vaccin, les problèmes étaient centrés autour d’un manque d’ouverture et de collaboration. Bien que GAVI ait partagé les prévisions de la demande de vaccination avec l’industrie pour la première fois, les informations ont été fournies en termes du nombre d’enfants à vacciner avec des antigènes donnés, plutôt que sous la forme de conseils sur les produits eux-mêmes, par exemple vaccins conjugués ou sous forme monovalente, que les pays souhaitaient. « De plus, les données concernant la demande par pays n’ont pas été partagées avec les fournisseurs au fur et à mesure que cellesci devenaient disponibles », poursuit le rapport.
A en croire Whitehead, l’une des raisons expliquant cela est que le secteur public se garde traditionnellement de fournir au secteur privé des données qui pourraient, en théorie, être détournées par les sociétés pour exercer une influence inopportune sur les pays dans le but de les faire acheter leurs produits. Cependant, dit Whitehead, un Comité de coordination interagences fonctionnant correctement dans les pays devrait être en mesure de détecter tout comportement inadéquat de ce type.
Evidemment, l’Alliance doit se montrer vigilante vis-à-vis de tout conflit d’intérêt, comme le fait de donner des informations « d’initié » à une société au détriment d’une autre. Quoi qu’il en soit, selon Whitehead, la tradition de longue date selon laquelle le secteur public considère l’industrie comme étant presque un adversaire doit prendre fin.
Le rapport Mercer s’est aussi penché sur la manière dont les divers partenaires de l’Alliance travaillent ensemble. Il s’est félicité du « travail considérable réalisé » en peu de temps. Mais il a fait également ressortir les difficultés auxquelles se trouve confrontée une alliance peu structurée dans la mise en œuvre de sa politique - en contraste avec son élaboration. Les rôles et responsabilités des différents acteurs de GAVI ne sont pas clairs. « Sur la base de ce que les personnes disent d’elles-mêmes, aucun partenaire ne revendique avoir la charge d’élaborer les prévisions ou de conseiller les pays sur le choix des vaccins », signale le rapport, tandis que deux partenaires revendiquent être responsables de la stratégie et du développement des achats.
GAVI peut valoriser le processus pluridisciplinaire de prévision et d’achat en rapprochant différents partenaires venant de disciplines appropriées et possédant diverses compétences, indique le rapport. Mais pour une mise en œuvre efficace, il faut une hiérarchie claire et un coordinateur unique assumant la responsabilité, un modèle adopté par les chefs de projet dans le secteur privé.
Reference
1. Lessons Learned: new procurement strategies for vaccines: Report to the GAVI Board.
Phyllida Brown
Pleins feux sur la vaccination • Juillet 2002 - Contenu |