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Pleins feux sur la vaccination

EN BREF - Octobre 2003

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L’exode des cerveaux dans les services de santé : quelles sont les options pour y remédier ?

Chaque année, les travailleurs sanitaires quittent les pays à faible revenu par milliers en quête de salaires plus élevés et de meilleures perspectives professionnelles à l’étranger. Plutôt que d’essayer d’empêcher le libre mouvement des personnes, les pays et leurs partenaires internationaux recherchent aujourd’hui des solutions réalisables et éthiques

October 2003 - French - Image two (brain drain 1)

LE DR FRANK Nyonator est confronté à un problème de taille. En tant que directeur responsable des politiques et de la planification au sein du service de la santé ghanéen, il voit partir chaque année, à l’étranger, tout un défilé d’infirmières, de médecins et de pharmaciens. « Pour ce qui est du personnel infirmier, il s’agit de milliers d’individus », dit-il. La plupart se dirigent vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni, où les salaires sont plus élevés et les possibilités de formation meilleures ; peu reviennent. Non seulement leur départ crée des « trous » dans un système de santé qui travaille déjà à la limite de ses capacités, mais il prive aussi le Ghana du retour sur l’investissement que représente la formation de ce personnel et alimente, en fait, les systèmes de santé de pays beaucoup plus riches qui n’ont pas su susciter chez eux le nombre de vocations nécessaire.

Le Ghana n’est pas, bien sûr, le seul dans ce cas. L’exode des cerveaux dans le domaine de la santé fait aussi du tort à d’autres pays en développement, en particulier en Afrique. Parmi les pays les plus touchés figurent l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Nigeria. Dans certains de ces pays, le rythme auquel le personnel infirmier disparaît semble s’accélérer. Bien que les pays industrialisés, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni comblent depuis longtemps leur déficit en personnel infirmier en recrutant des étrangers, ils ont traditionnellement fait appel à des pays qui forment plus d’infirmières qu’il ne leur en faut, comme les Philippines. Aujourd’hui, les pays riches emploient de plus en plus du personnel infirmier provenant non seulement de pays traditionnellement « exportateurs », mais aussi de pays africains qui manquent eux-mêmes sérieusement de personnel. Il n’y a personne pour prendre les postes laissés vacants par les employés qui émigrent, et les services de santé (y compris les programmes de vaccination) se détériorent.

Le Dr Nyonator comprend fort bien pourquoi les travailleurs sanitaires veulent quitter les pays à faible revenu. « Les raisons sont bien connues », dit-il. Tout d’abord, le salaire est bas et risque de ne pas leur permettre de s’acheter des produits de luxe, comme une maison ou une voiture. « Les gens ont peur de ne pas pouvoir joindre les deux bouts s’ils restent dans le système. Les caisses de retraite ne sont pas adéquates et les gens veulent tout simplement s’assurer d’avoir quelque chose qui soit synonyme de sécurité pour l’avenir. » Deuxièmement, toujours selon le Dr Nyonator, les médecins et les pharmaciens souhaitent pouvoir suivre une formation de troisième cycle universitaire qui n’est pas, jusqu’ici, largement dispensée par les institutions nationales. Il ajoute que les services - limités - de formation de troisième cycle qui existent sont « dysfonctionnels ».

Evaluation du flux de personnel

Il est difficile de trouver des informations précises sur l’ampleur de la pénurie de « ressources humaines ». Il n’existe pas de bases de données complètes. Mais les chiffres partiels disponibles indiquent des pertes annuelles importantes dans des pays qui ne peuvent guère se permettre de perdre ne serait-ce qu’un seul travailleur sanitaire. Environ 2 500 infirmières d’Afrique du Sud ont déposé une demande d’émigration en 2001 (1). L’Association des infirmières diplômées du Ghana indique que plus de 3 000 infirmières ont quitté le pays en 2003. En 2001, 473 infirmières du Zimbabwe se sont inscrites pour travailler au Royaume-Uni. Ce chiffre peut, à première vue, ne pas paraître très élevé, mais il faut signaler que le nombre total d’infirmières à obtenir leur diplôme au Zimbabwe cette année-là n’était que de 737. D’autres pays africains disposant d’un petit corps d’infirmières, comme le Malawi, voient aussi une forte augmentation de la perte d’effectifs, le personnel partant principalement au Royaume-Uni (Figure 1). Les médecins sont aussi nombreux à quitter les pays à faible revenu, bien que leur nombre ne semble pas augmenter dans les mêmes proportions que celui des infirmières émigrantes. Aux Etats-Unis, 30 % des médecins immigrés viennent de l’Inde et du Pakistan et au Royaume-Uni, 20 % des médecins immigrés viennent d’Afrique.

October 2003 - French - Image two (brain drain 1)

Le flux du personnel vers l’extérieur n’est pas compensé par l’arrivée d’un nombre égal de personnes dans ces pays, et par conséquent, de nombreux postes d’infirmières et de personnel médical spécialisé restent à pouvoir. Par exemple, en Afrique du Sud, 60 % des institutions interrogées ont affirmé avoir du mal à recruter du personnel pour remplacer les émigrants (1), et le Malawi a déclaré que près de 53 % des postes d’infirmières étaient vacants en 1998 (2). Ceci cause inévitablement des problèmes au niveau des prestations des soins de santé : par exemple, le taux de couverture vaccinale contre la rougeole a tendance à être élevé lorsque la dotation en personnel est bonne, et faible lorsque cette dernière est insuffisante (Figure 2).

La perte de personnels spécialisés comptant plusieurs années d’expérience pose un problème particulier ; ceux-ci sont peu nombreux, mais il faut parfois autant d’années pour combler le trou qu’ils laissent Adelaide Shearley est conseillère OMS auprès du Programme élargi de vaccination en Namibie et a aussi travaillé pour les programmes de vaccination de deux autres pays en Afrique sub-saharienne. Dans chacun de ces pays, elle a vu des collègues quitter leur poste de spécialiste en santé publique - comme par exemple en surveillance - pour un poste de soins infirmiers plus généraux à l’étranger. « Tout l’investissement est perdu », déplore-t-elle.

Prise de conscience

Toutefois, et ce n’est pas trop tôt, l’exode des cerveaux chez les travailleurs de la santé attire l’attention des gouvernements et d’acteurs internationaux comme l’OMS, l’OCDE et la Fondation Rockefeller. Les partenaires de GAVI ont aussi reconnu qu’il fallait résoudre le problème posé par la pénurie de travailleurs sanitaires pour que les pays puissent réaliser leurs objectifs d’augmentation du taux de couverture vaccinale au sein d’un système de santé durable. L’OMS, qui a dressé un programme de travail sur les ressources humaines, s’attache actuellement à recueillir des données plus que nécessaires sur la migration des travailleurs sanitaires avant d’envisager les options possibles quant aux politiques à la disposition des gouvernements. Mais le Dr Barbara Stilwell, de l’OMS, prévient qu’il n’y a pas de solution miracle : « Ce n’est pas aussi simple que certains veulent bien le croire ».

En effet, de nombreuses solutions simplistes ont été proposées. « Les gens se précipitent, en proie à des réactions instinctives », constate le Dr Akram Eltom, de l’Organisation internationale pour les migrations. « Par exemple, ils suggèrent d’augmenter le coût de la migration ou encore d’imposer d’autres obstacles [aux émigrants]. » Mais il s’empresse d’ajouter qu’il serait immoral d’empêcher les travailleurs de quitter leur pays d’origine. En fait, la mondialisation a positivement encouragé un marché international des compétences dans de nombreux autres domaines, comme par exemple l’informatique. Pourquoi devrait-on adopter un point de vue différent pour les compétences dans le domaine de la santé ?

Les gens ont le droit de se déplacer, de rechercher de meilleures opportunités de carrière et des revenus sûrs. De l’aveu du Dr Stilwell, les mauvaises conditions de travail, le manque de possibilités de formation et les bas salaires constituent des facteurs dissuasifs dans les pays pauvres, alors que les facteurs incitatifs dans les pays riches comprennent entre autres la promesse de salaires jusqu’à 25 fois plus élevés que chez eux, une plus grande sécurité au travail et de meilleures possibilités de formation continue. Autre point tout aussi important : les travailleurs sanitaires qui migrent continuent de contribuer à l’économie de leur pays d’origine, grâce à l’argent qu’ils envoient à leur famille restée dans le pays. Le Dr Stilwell fait observer qu’en fait, les sommes d’argent envoyées par les travailleurs émigrés à leur famille dans les pays en développement dépassent aujourd’hui le montant total de l’aide officielle au développement versée par les gouvernements des pays industrialisés. Cependant, cet argent n’est pas réinvesti dans un service de santé.

Changer la situation

A la recherche de solutions intelligentes au problème, les analystes examinent aujourd’hui de manière plus approfondie les raisons pour lesquelles les travailleurs sanitaires quittent leur pays d’origine, afin d’élaborer de nouvelles politiques en connaissance de cause et d’identifier les moyens de changer les comportements.

Le Dr Marko Vujicic, économiste, et ses collègues à l’OMS ont évalué l’importance du salaire parmi les éléments qui attirent les travailleurs sanitaires des pays en développement vers les pays industrialisés. Leur conclusion, à en croire Vujicic : les salaires constituent l’un des facteurs principaux influençant la migration, bien que ce ne soit pas là le seul facteur important. Les différences de salaires entre les pays riches et les pays pauvres sont énormes, même lorsque les chiffres sont ajustés en fonction du pouvoir d’achat pour tenir compte des différences du coût de la vie entre les pays. Vujicic explique, par exemple, que le salaire d’une infirmière en Australie et au Canada est environ 25 fois plus élevé que celui d’une infirmière en Zambie, 14 fois plus élevé que celui d’une infirmière au Ghana et le double environ de celui d’une infirmière en Afrique du Sud. Pour les médecins, les écarts sont du même ordre.

Mais d’autres facteurs, comme les conditions de vie, la sécurité au travail et les possibilités offertes en matière de développement professionnel semblent aussi être importants. Selon Vujicic, si les salaires étaient le seul facteur, les pays dont les employés sont susceptibles de décrocher la plus grosse augmentation de salaire en s’installant à l’étranger devraient être, en théorie, ceux où le nombre de candidats à l’émigration est le plus élevé. Dans ce cas, par exemple, les infirmières ghanéennes devraient être plus nombreuses à vouloir quitter leur pays que les infirmières sudafricaines, car ces dernières ne peuvent « que » doubler leur salaire, alors que les Ghanéennes peuvent le multiplier par 14. En réalité, la proportion de travailleurs sanitaires qui ont l’intention de quitter l’Afrique du Sud est environ la même qu’au Ghana, ce qui indique que d’autres facteurs, outre l’argent, influencent bien les décisions des travailleurs. La motivation du personnel est aussi, il est clair, un élément important, comme le souligne le Dr Stilwell. La motivation est importante sur tout lieu de travail, mais lorsqu’un nombre croissant d’employés s’en va, elle peut chuter rapidement. Un départ à l’étranger peut symboliser l’optimisme quant à des perspectives professionnelles futures prometteuses, tandis qu’une perte de moral parmi le personnel qui reste est possible. Ceci risque d’autant plus de se produire lorsque la surveillance est inadéquate, les charges de travail excessives et les dirigeants nullement en position de demander davantage de temps à des personnes qui gagnent un salaire de misère dans de mauvaises conditions de travail.

Solutions éthiques

Les gouvernements des pays à faible revenu commencent à étudier des moyens d’accroître les mesures visant à inciter les travailleurs sanitaires à rester. Parmi les options envisagées : de meilleurs logements, des facilités de transport pour se rendre au travail, des emprunts à taux bonifié pour l’achat de voitures et même des améliorations fondamentales au niveau de la santé au travail, afin de diminuer les risques encourus par les infirmières. Le Dr Nyonator explique, par exemple, que le gouvernement du Ghana est actuellement en train de plancher sur diverses propositions, dont l’octroi de prêts à taux bonifié pour l’achat de voitures, des systèmes d’emprunt-logement, ainsi qu’une rémunération supplémentaire pour les personnes qui veulent bien travailler dans les zones rurales isolées. Le gouvernement est également en train de mettre en place un institut médical supérieur, qui accueillera les étudiants de troisième cycle ; il devrait ouvrir ses portes en 2004.

Responsabilités des pays industrialisés

De plus en plus, les analystes s’accordent pour dire que les pays à faible revenu ne peuvent pas à eux seuls résoudre ce problème. Le Conseil international des infirmières (CII), avec le concours duquel l’OMS et d’autres organisations ont récemment analysé le flux international de personnel (1), déclare qu’il est inacceptable que des pays riches aux systèmes de santé « dysfonctionnels », caractérisés par l’incapacité de susciter les vocations nécessaires et de retenir leur personnel infirmier, profitent de l’existence de facteurs dissuasifs dans les pays en développement pour y recruter un personnel dont ces derniers ont fort besoin.

Le CII reconnaît que le recrutement agressif d’infirmières dans les pays en développement peut offrir aux pays riches une solution provisoire, mais explique que cela ne résoudra pas leurs problèmes intérieurs à long terme. Il serait préférable que les pays qui souffrent d’une pénurie de personnel, comme le Royaume-Uni, évaluent les raisons de leur incapacité à recruter et à retenir leur propre personnel, et changent leurs politiques en conséquence.

On demande aujourd’hui aux gouvernements des pays industrialisés d’envisager diverses autres options. Par exemple, des fonds pour l’aide au développement international, qui ne sont pas normalement utilisés pour couvrir les frais de personnel, pourraient servir à améliorer certains aspects du régime de rémunération proposé aux travailleurs sanitaires qui restent dans leur pays. Il pourrait être demandé aux gouvernements des pays industrialisés qui débauchent les travailleurs des pays en développement de payer une compensation aux pays d’origine pour couvrir les frais de formation de chaque travailleur, et le cas échéant, pour la perte de recette fiscale.

Bien que de tels procédés puissent paraître relativement radicaux, le Ghana n’est que l’un des pays à avoir déjà entamé des discussions avec des partenaires comme la Banque mondiale sur les moyens d’utiliser l’argent destiné au dévelopement international pour améliorer les régimes de rémunération des travailleurs sanitaires. « La réponse a été positive » confirme le Dr Nyonator. Peut-être, enfin, une chance de faire changer les choses.

Phyllida Brown

References
(1) International nurse mobility: trends and policy implications. (2003). Conseil international des infirmières/OMS/Royal College of Nursing. Geneva. www.icn.ch
(2) Developing evidence-based ethical policies on the migration of health workers: conceptual and practical challenges. (2003). Stilwell. B. et al. Human Resources for Health, in press.
(3) Dovlo, D., Nyonator, F. Migration by Graduates of the University of Ghana Medical School: A preliminary rapid appraisal. Human Resources for Health Development Journal. Janv.-avril 1999. 3 : 40-51.

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