Une étude de Harvard montre que la vaccination développe l’économie des pays pauvres
Mardi 14 octobre 2005 - Boston,
Massachusetts— Les programmes de vaccination des pays pauvres sauvent
des vies mais renforcent également de façon significative leurs
économies. C’est ce que démontre une étude réalisée par des chercheurs
de l’Ecole de Santé Publique de Harvard et publiée dans l’édition en
cours de World Economics.
L’étude démontre que les estimations et mesures des
bénéfices liés à la vaccination effectuées à ce jour ont en général
sous-estimé leur valeur économique. Celles-ci se focalisaient seulement
sur les impacts liés à la santé comme les maladies, les
hospitalisations, les morts, les handicaps et les coûts médicaux qui
ont pu être évités grâce à la vaccination. L’étude propose donc une
enquête plus approfondie sur les différents impacts de la vaccination
en étudiant ses effets sur le développement cognitif, les niveaux
d’études atteints, la productivité du travail, les salaires, l’épargne,
l’investissement et la fertilité. Les auteurs de l’article sont David
E. Bloom, David Canning tous deux de l’Ecole de Santé Publique de
Harvard, et Mark Weston de River Path Associates, cabinet de conseil en
sciences du savoir.
« Notre étude montre que les bénéfices de la
vaccination ont été largement sous-estimés. Les impacts économiques de
la vaccination sont liés au fait que celle-ci protège les individus
contre la maladie elle-même, mais aussi contre les effets à long terme
de cette maladie sur leur développement physique, émotionnel et
cognitif » explique David E. Bloom, qui est Professeur et titulaire de
la Chaire Clarence James Gamble d’Economie et Démographie à l’Ecole de
Santé Publique de Harvard. « Quand les enfants grandissent en meilleure
santé, ils réussissent mieux à l’école et plus tard, en tant
qu’adultes, ils sont plus productifs, gagnent plus et épargnent plus.
Au total, nous avons trouvé de puissantes sources nouvelles de revenus
économiques apportés par la vaccination ».
L’étude élargit l’analyse des bénéfices de la
vaccination par l’observation de deux études de cas. La première évalue
le retour sur investissement d’un programme type de GAVI (l’Alliance
Mondiale pour les Vaccins et la Vaccination). Les résultats montrent
que les dépenses liées à la vaccination permettent un retour sur
investissement de 18%. La seconde étude concerne les enfants nés aux
Philippines en 1983-84 et consiste à comparer le QI des enfants
vaccinés et celui des enfants non vaccinés. Bien que l’étude prenne en
compte des variables telles que le niveau d’études atteint, elle
établit que la vaccination est associée à des résultats
significativement meilleurs aux tests de QI, de langage et de
mathématiques.
Les deux études de cas démontrent également que, outre
leur impact bénéfique sur la santé, les vaccins ont des effets à long
terme sur le développement d’un individu. Ces effets combinés, obtenus
à un coût remarquablement faible, ont un impact pérenne sur l’économie.
« Nous avons trouvé que le taux de retour sur
investissement de la vaccination est similaire à celui d’un
enseignement primaire, qui augmente également le revenu des enfants
lorsqu’ils entrent dans le monde du travail » précise David Canning,
Professeur d’Economie et de Santé Internationale à l’Ecole de Santé
Publique de Harvard. « Ceci n’était cependant qu’un des éléments du
retour sur investissement de la vaccination. Si nous avions calculé la
valeur de l’épargne, des coûts médicaux évités, des bénéfices sociaux
associés aux morts évitées, ou d’autres effets en plus des gains de
productivité, la vaccination aurait probablement battu au poteau toutes
les autres formes d’aide au développement. Les retours sur
investissement de la vaccination sont au moins aussi importants, et
peut-être bien plus importants, que ceux d’un enseignement de base ».
Ces nouvelles informations sur les gains économiques de
la vaccination arrivent bien à propos alors que la création d’une
facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm)
vient d’être annoncée. L’IFFIm injectera 4 milliards de dollars de
nouveaux fonds sur 10 ans. A travers l’IFFIm, les gouvernements du
Royaume-Uni, de la France, de l’Italie, de l’Espagne, et de la Suède
financeront ainsi les programmes de vaccination de GAVI.
Méthodologie
Etude de cas 1 : GAVI (l’Alliance Mondiale pour les vaccins et la vaccination)
L’étude consistait en une analyse du programme de GAVI
destiné à : étendre l’utilisation du groupe de vaccins infantiles de
base ; augmenter la couverture des vaccins sous utilisés contre le Hib,
l’hépatite B et la fièvre jaune ; favoriser le financement de
l’introduction de vaccins attendus contre les infections à
pneumocoques, rotavirus, et une combinaison de vaccin anti-méningocoque
A/C. Le coût de ce programme type est de 638 millions de dollars en
2005 et atteindra environ 748 millions de dollars en 2020. L’étude
évalue le rendement pour l’un des investissements envisagé de GAVI et
trouve que :
- le retour sur investissement est estimé à 12,4 % en
2005 et atteindra 18% en 2020, puisque la couverture vaccinale augmente
et que les coûts de vaccination diminuent.
- les enfants nés en 2005 devraient obtenir 0.78%
d’augmentation de leurs revenu en moyenne, ceux qui naîtront en 2020
parviendront à une augmentation de 2,39% de leurs revenus lorsqu’ils
commenceront à travailler. L’amélioration supplémentaire est due au
meilleur taux de couverture vaccinale grâce à la mise en place du
programme.
Etude de cas 2 : l’étude aux Philippines
Cette analyse a examiné les effets, sur le
développement cognitif des enfants, des efforts fournis par les
Philippines pour vacciner les enfants avec des vaccins DTC, BCG, Polio
et rougeole. Le développement cognitif est déterminant pour les revenus
à l’âge adulte. Ce rapport porte sur un échantillon de 1975 enfants
issus d‘une étude longitudinale des femmes philippines et de leurs
enfants nés dans l’année suivant le 1er mai 1983.
Les chercheurs ont comparé les résultats de tests
soumis aux enfants qui avaient reçu les 6 vaccins de base (DTC, Polio,
rougeole et BCG) au cours des 2 premières années de leur vie à ceux des
enfants qui n’avaient pas été vaccinés. Les auteurs ont effectué des
corrections pour d’autres variables qui pourraient affecter les
résultats. Ils ont découvert que la vaccination était associée à des
résultats significativement meilleurs aux tests de QI, de langage et de
mathématiques. L’effet était plus fort sur le QI et le langage que pour
les mathématiques.
L’étude de Harvard sur le retour d’investissement dans la vaccination a été financée par GAVI
L’école de Santé Publique de Harvard se consacre
à l’amélioration de la santé publique par le biais de l’enseignement,
de la recherche et de la communication. Plus de 300 membres de la
Faculté sont engagés dans l’enseignement à plus de 900 étudiants d’un
large éventail de disciplines essentielles à la santé et au bien-être
des individus et des populations du monde entier. Les projets et les
programmes vont de la biologie moléculaire des vaccins contre le SIDA à
l’épidémiologie du cancer ; de l’analyse de risques à la prévention de
la violence ; de la santé de la mère et de l’enfant à la mesure de la
qualité des soins ; à la gestion des soins médicaux aux droits de
l’homme et de la santé internationaux.
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