août
2000
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2000 contenu
NOUVELLES BREVES
Il est grand temps dintervenir
Il se peut que
des années sécoulent encore avant que lon
ne dispose de vaccins contre le SIDA; néanmoins, deux analyses
affirment que les responsables doivent agir de manière radicale
et rapide pour garantir que le monde entier puisse y avoir accès.
MÊME si les obstacles scientifiques
au développement de vaccins contre le SIDA peuvent être
surmontés, il se peut que les pays à faible revenu
continuent à attendre des décennies avant dy
avoir accès; voilà la mise en garde que lance un rapport
coup de poing(1) publié le mois dernier.
Ce rapport, émanant de lInitiative internationale pour
un vaccin contre le SIDA (IAVI), conclut que tant quil ny
aura pas "une évolution monumentale" de lapproche mondiale
de lutilisation des vaccins, des millions de personnes vont
être infectées sans raison par le VIH dans lattente
que ces vaccins leur parviennent enfin "au compte-gouttes". Ce rapport
lance un appel pour que des changements immédiats et fondamentaux
soient apportés à lapproche mondiale en matière
de production de vaccins, doctroi de licences, de tarification,
dachats et de distribution, et énonce un plan daction
en cinq points.
Regarder la réalité en face
Ce rapport suit de près une autre
analyse des perspectives de développement et dutilisation
de vaccins contre le SIDA, faite par José Esparza, de lInitiative
OMS-ONUSIDA pour un vaccin contre le VIH, et Natth Bhamarapravati,
de luniversité Mahidol, Thaïlande(2).
Ces auteurs plaident instamment pour que les essais de vaccins potentiels
soient accélérés et que des plans daccès
universel soient établis dès maintenant, et déclarent:
"Lironie du sort serait quun
vaccin mis au point en collaboration avec des pays moins développés
puisse en fait contribuer à creuser le fossé et les
inégalités créées par la pandémie
du SIDA."
Esparza
et Bhamarapravati se concentrent essentiellement sur les tests à
effectuer sur les vaccins. "Avant délargir laccès
à un vaccin contre le VIH, il faut en mettre un au point",
déclare Esparza. Seuls deux essais defficacité
sont actuellement en cours, et les résultats du premier seront
disponibles en 2001. LOMS et lONUSIDA organiseront des
consultations en octobre pour estimer la demande de vaccins, si
les candidats actuels apportaient une protection quelconque.
Le rapport IAVI, dont le principal auteur
est Roy Widdus, de lancienne Initiative pour les vaccins de
lenfant IVE, déclare que le paradigme traditionnel
pour encourager lutilisation de nouveaux vaccins dans les
pays en développement a été "un énorme
échec de la santé publique". Du fait que la mise au
point de vaccins est risquée et est généralement
financée par des fonds privés, les fabricants ont
tendance à commencer par commercialiser leurs vaccins dans
les pays nantis dont les consommateurs ont les moyens de payer le
prix intégral. Au fil du temps, généralement
au bout de 15 ans environ, le prix baisse tandis que la capacité
et lefficacité de production augmentent; des donateurs
daide externes et quelques gouvernements de pays en développement
commencent alors à acheter les vaccins, qui sont introduits
au coup par coup sur de nombreuses années. Lutilisation
de vaccins contre lhépatite B et Haemophilus influenzae
type b (Hib), par exemple, a repris ce schéma, ce qui a entraîné
des millions de morts qui auraient pu être évités.
"Cette approche - déjà
déplorable pour toute maladie grave - est totalement inacceptable
dans le cas du VIH", affirme le rapport IAVI. Au taux de contamination
actuel, même un décalage de cinq ans entre loctroi
dune licence pour un vaccin contre le SIDA et son introduction
généralisée dans les pays à faible revenu
entraînerait jusquà 30 millions dinfections
par le VIH évitables.
IAVI dégage les principales raisons
de la lenteur de lintroduction des vaccins existants dans
les pays à faible revenu. Parmi elles figurent labsence
de ressources, la faible priorité accordée à
la prévention des maladies par la plupart des gouvernements
et, dans certains pays nantis, limpopularité politique
de tarifications différenciées pour les produits de
santé. En outre, les fabricants doivent naviguer sur des
systèmes réglementaires dapprobation des vaccins
qui sont "fragmentés et non coordonnés" selon les
pays, tout en accroissant la production pour les besoins mondiaux.
Dans le cas des vaccins contre le SIDA, ajoute le rapport IAVI, ces problèmes sont aggravés par des défis supplémentaires: de manière cruciale, les pays pauvres nont pratiquement aucune infrastructure pour distribuer les vaccins aux groupes de la population qui ont un besoin le plus urgent de vaccination contre le VIH: les adolescents et les adultes sexuellement actifs. La plupart des vaccins sont distribués aux nourrissons et, même si certains affirment que les vaccins contre le VIH pourraient également être administrés à ce groupe dâge, le rapport IAVI déclare quune telle approche pourrait entraîner des retards supplémentaires. Lefficacité dun vaccin administré en bas âge pourrait ne pas être connue avant de nombreuses années, et la durée de la protection serait également difficile à déterminer, déclare Widdus. "On pourrait se retrouver avec un report [de mise en ¦uvre] de 10 ans, et finir par découvrir quil faut un rappel de vaccin à ladolescence." Pour couronner le tout, il est difficile de planifier la production à grande échelle dès maintenant, car les vaccins expérimentaux contre le SIDA évoluent rapidement.
Une cible mouvante
Alors que les vaccins "de première
génération", tels que définis par IAVI, nassurent
peut-être quune protection à 40% et exigent éventuellement
des doses multiples, un vaccin "de troisième génération"
pourrait offrir une protection à 90%, être administré
par voie orale, et nexiger que des rappels occasionnels. Manifestement,
chaque type de vaccin aurait ses propres exigences en matière
de volume, dadministration et de conseils. Dans lensemble,
les choix quant aux types de vaccins utilisés et à
la vitesse à laquelle ils seraient introduits pourraient
décider du sort de millions dindividus tout au long
de lépidémie (figure 1).
Source:
IAVI
Figure 1: Evolution projetée
du nombre de décès dus au SIDA dans le monde selon
diverses stratégies en matière de vaccins
La courbe supérieure présente les
décès projetés en labsence dun
vaccin. Les courbes inférieures indiquent les effets probables
de lutilisation de vaccins defficacités variables,
soit immédiatement disponibles sous licence, soit après
des retards.
Un troisième problème critique
lié aux vaccins contre le VIH tient à ce que personne
ne sait encore si un vaccin basé sur une souche du virus
protégera contre les autres souches. Dans de nombreuses communautés,
notamment dAfrique sub-saharienne, des souches multiples sont
actuellement en circulation. Le rapport affirme que des études
visant à établir si les vaccins peuvent protéger
contre plusieurs souches doivent être effectuées en
parallèle et faire lobjet dune coordination stratégique.
Sinon, le processus dévaluation pourrait prendre encore
des années supplémentaires.
IAVI dresse la liste de cinq exigences
principales pour garantir un accès rapide aux vaccins:
- Une tarification efficace et des mécanismes de financement mondiaux.
- Des estimations fiables de la demande et de la capacité de production requise.
- Des systèmes dadministration adéquats pour les adolescents, les adultes sexuellement actifs et les autres populations à risque.
- Lharmonisation des réglementations
nationales et des conseils internationaux pour lapprobation
et la distribution des vaccins.
- Des mesures immédiates pour élargir laccès aux vaccins sous-utilisés existants contre les autres principales maladies, en utilisant des mécanismes tels que GAVI et le Fonds mondial pour les vaccins de lenfance.
Les dirigeants politiques et le secteur privé sont mis au défi davaliser lapplication dune tarification échelonnée pour les vaccins contre le SIDA, de sorte que les pays à faible revenu soient en mesure de payer des prix abordables sans priver les fabricants dun rendement satisfaisant sur leurs investissements. Le rapport lance un appel en faveur dengagements financiers "crédibles" de la part des pays industrialisés pour acheter et fournir des vaccins aux pays en développement.
Il ajoute que beaucoup plus defforts
sont également requis pour convaincre les Ministres des Finances
et les donateurs de lutilité de la prévention
des maladies, notamment du SIDA qui est presque toujours mortel
et qui touche les adultes jeunes et productifs. Le rapport laisse
entendre que dans létat actuel des connaissances, un
vaccin contre le VIH pourrait être rentable à des prix
jusquà 50 fois supérieurs aux vaccins infantiles
traditionnels. Aucune étude détaillée sur le
rapport coût-efficacité de vaccins hypothétiques
contre le VIH na encore été entreprise. Mais
le Président de IAVI, Seth Berkley, déclare que ces
études doivent être prioritaires.
Quant à la conception des systèmes
de fourniture qui atteindraient les adolescents et les jeunes adultes,
Widdus plaide en faveur dune approche radicalement nouvelle.
"Nous devons fondamentalement réfléchir à beaucoup
de points daccès différents et oublier lidée
dun système unique atteignant 95% [de la population
cible]," dit-il. Au lieu des systèmes de fourniture traditionnels,
les vaccins pourraient devoir être administrés dans
toute une série de contextes, y compris parfois en dehors
du cadre usuel par exemple par le biais des écoles
et des services de vulgarisation qui encouragent lutilisation
des préservatifs auprès des travailleurs du sexe et
des enfants des rues.
La planification de la fourniture des
vaccins doit également tenir compte de sensibilités
politiques et religieuses susceptibles daffecter la demande
de vaccination, ajoute Widdus. Les vaccins contre le SIDA pour les
adolescents seraient probablement plus acceptables sils étaient
offerts en liaison avec dautres interventions telles que les
vaccins contre le tétanos, la rubéole et lhépatite
B, ou léducation sanitaire. "Il faut du temps pour
réfléchir à des approches globales intelligentes
des soins de santé," affirme Widdus. "Nous devons commencer
à y réfléchir dès aujourdhui,
non pas parce quun vaccin sera disponible la semaine prochaine,
mais parce que ces choses sont intrinsèquement difficiles
et que nous courons davantage de risques de commettre des erreurs
si nous agissons dans la hâte à la dernière
minute."
La cinquième recommandation du
rapport IAVI qui veut que les vaccins sous-utilisés
actuels contre les principales maladies telles que lhépatite
B ou le Hib soient introduits rapidement et efficacement dans les
pays en développement par le biais de partenariats tels que
GAVI constituera le défi numéro un, assure-t-il.
Si les conseils dadministration de lindustrie sont convaincus
que des partenariats pour lintroduction de ces vaccins peuvent
fonctionner, alors des partenariats pour les vaccins contre le SIDA
ont également davantage de chances daller de lavant,
ajoute le rapport.
Tore Godal, Secrétaire exécutif
de GAVI, déclare: "Nous ne devons pas être paralysés
par des problèmes qui restent hypothétiques. Au contraire,
nous devrions travailler sans relâche pour mettre au point
les vaccins eux-mêmes et ensuite utiliser tous les mécanismes
à notre disposition y compris GAVI pour les
distribuer rapidement à ceux qui en ont le plus besoin."
As
for the design of delivery systems that would reach adolescents
and young adults, Widdus argues for radical rethinking of the traditional
approach. "We have basically got to think about lots of different
points of access and forget about a single system that reaches 95%
[of the target population]", he says. Instead of traditional delivery
systems, vaccines might need to be given in a variety of settings
including some outside the usual framework for example, through
schools and outreach services that promote condom use with sex workers
and street children.
Planning the delivery of vaccines must
also take account of political and religious sensitivities that
may affect peoples demand for immunization, says Widdus. AIDS
vaccines for adolescents would probably be most acceptable if they
were offered together with other interventions, such as tetanus,
rubella and hepatitis B vaccines and health education.
"To think about intelligent healthcare
packages takes time," says Widdus. "We need to start thinking about
this now, not because there will be a vaccine next week, but because
these things are intrinsically difficult and we are more likely
to make mistakes if we rush at the last minute."
The IAVI reports fifth recommendation
that existing under-used vaccines against major diseases
such as hepatitis B or Hib be rapidly and effectively introduced
in developing countries through partnerships such as GAVI
will be the key test, it argues. If industry boardrooms are convinced
that partnerships for the introduction of these vaccines can work,
then partnerships for AIDS vaccines are also more likely to move
ahead, says the report.
Tore Godal, Executive Secretary of GAVI
says: "We must not be paralysed by problems that are still hypothetical.
Instead we should work hard to develop the vaccines themselves and
then use every mechanism at our disposal including GAVI
to get them quickly to those who need them most."
Références
(1) AIDS Vaccines
for the World: Preparing now to assure access. Initiative internationale
pour un vaccin contre le SIDA, juillet 2000. Télécharger
ou lire en ligne les résumés sous www.iavi.org
(2) Accelerating
the development and future availability of HIV-1 vaccines: why,
when, where and how? José Esparza et Natth Bhamarapravati.
Lancet 355: 2061-66.
Phyllida Brown
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