Actualité - Novembre 2004
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Les moustiques qui transmettent l'encéphalite japonaise se reproduisent dans les rizières et le eaux stagnante.
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L’encéphalite japonaise:une maladie orpheline en point de mire
Une maladie mortelle qui menace 3 milliards de personnes en Asie et dans le Pacifique va finalement recevoir l’attention qu’elle mérite, ainsi que l’explique le docteur Julie Jacobson.
Longtemps négligée, la lutte contre l’encéphalite japonaise a reçu une impulsion majeure avec le lancement par PATH d’un nouveau projet pour améliorer la prévention de cette maladie “orpheline”.
Financé par un don initial de 27 millions de dollars sur cinq ans de la Fondation Bill et Melinda Gates, le projet de lutte contre l’encéphalite japonaise mis en oeuvre par PATH a pour but d’améliorer les données sur la répartition de la maladie, d’accélérer la mise au point de tests de diagnostic et d’un vaccin amélioré, et d’aider les pays d’Asie et du Pacifique où la maladie sévit à intégrer ce vaccin dans leurs programmes de vaccination.
D’après le docteur Mark Kane, Directeur du Programme pour la vaccination des enfants à PATH, “ces dernières décennies, l’encéphalite japonaise a étendu son emprise sur des pays à travers l’Asie et elle est devenue la principale cause d’encéphalite virale sur le continent. De récentes épidémies en Inde et au Népal font craindre que l’encéphalite ne se propage encore plus rapidement que nous ne le pensions”.
Difficile à diagnostiquer et faisant l’objet d’une grave sous-notification avec 30000-50000 cas par an, cette maladie causée par un moustique touche principalement les enfants âgés de 1 à 15 ans. Environ 15000 décès sont déclarés chaque année. Parmi les enfants qui développent la maladie, près de 70% décèdent ou sont affligés de séquelles neurologiques de longue durée, qui peuvent prendre la forme d’une paralysie, de difficultés à se mouvoir, de retard mental et de troubles du comportement. On ne dispose pas de traitement spécifique pour la maladie.
Les activités de lutte contre l’encéphalite japonaise sont entravées par l’absence d’un vaccin sûr, efficace et d’un prix abordable qui puisse être intégré dans les programmes de vaccination systématique et par le manque d’un test peu coûteux de diagnostic de la maladie. Le nouveau projet a pour but de s’attaquer à ces deux problèmes. Dans la phase initiale, le programme soutient la mise au point de diagnostics et l’amélioration de la surveillance.
L'encéphalite japonaise s'est propagée régulièrement dans des pays d'Asie et du Pacifique depuis qu'elle a été diagnostiquée pour la première fois en 1871.
Source: Programme pour la vaccination des enfants à PATH. |
Améliorer le diagnostic et la notification
Il n’existe à l’heure actuelle aucun test permettant d’établir le diagnostic de l’encéphalite japonaise. Par conséquent, les médecins et les agents de santé publique dans les pays touchés sont souvent incapables d’identifier la maladie, qui est difficile à distinguer d’autres affections du cerveau et du système nerveux. Pour confirmer la présence du virus, les médecins doivent prélever un échantillon de sérum et/ou de liquide céphalo-rachidien sept jours après l’apparition des symptômes et y rechercher des anticorps en laboratoire. Une semaine après le début de la maladie, presque tous les échantillons seront positifs. Les pays qui mettent en oeuvre des programmes de lutte réussis associent habituellement le diagnostic du syndrome de l’encéphalite clinique avec des tests de laboratoire dans un sous-ensemble d’hôpitaux “sentinelles”, pour estimer quel pourcentage de maladies neurologiques est imputable à l’encéphalite japonaise au niveau national et pour surveiller l’impact des programmes de lutte.
Désireux d’améliorer le diagnostic et la notification de l’encéphalite japonaise, le projet soutient des activités ayant pour objectif la mise au point d’un test ELISA pour cette maladie, qui devrait être disponible cette année. L’équipe du projet examine également un système novateur d’information pour la surveillance de l’encéphalite en Inde.
Le système de gestion des informations de surveillance permettra aux agents de santé sur le terrain de déclarer les cas et d’accéder aux données sur l’incidence de la maladie par téléphone ou sur Internet – ce qui constituera un modèle de mise en commun des informations susceptible d’être reproduit aux niveaux sous-régional et national.
Une maladie evitable - pour certains
Beaucoup de pays ont tenté de faire reculer l’encéphalite japonaise en contrôlant son vecteur – le moustique – et son hôte principal – le porc. Néanmoins, les succès ont jusqu’à présent été modestes et coûteux. Le moustique Culex qui transmet l’encéphalite vit dans les rizières et les eaux stagnantes, ce qui rend difficiles et chères les activités de lutte en Asie. Les moustiquaires traitées à l’insecticide n’ont qu’un effet limité car les moustiques piquent au début du crépuscule quand la plupart des populations à risque ne sont pas couchées. Des expériences dans plusieurs pays ont montré que la vaccination est la seule mesure efficace et fiable. L’OMS recommande d’administrer le vaccin actuellement disponible dans toutes les zones endémiques qui peuvent en supporter les coûts.
Informations sur le virus
L’encéphalite japonaise est causée par un arbovirus de la famille des Flaviviridae, similaire au virus du Nil occidental. La maladie est transmise par des moustiques qui pondent dans des points d’eau stagnante comme les rizières ou les canaux d’irrigation. Le cycle naturel de transmission de l’encéphalite japonaise se fait entre porcs, oiseaux sauvages et moustiques. L’homme et le cheval sont des hôtes terminaux qui ne contribuent pas à la transmission de la maladie. On estime que les porcs sont la principale source d’infection pour l’homme. Néanmoins, les oiseaux tels que les hérons et les canards ont aussi été impliqués. |
Un vaccin efficace contre l’encéphalite japonaise a été mis au point en 1941 et les pays aisés l’utilisent pour se prémunir contre la maladie et protéger les voyageurs, mais il n’a pas encore atteint les pays asiatiques les plus pauvres. Il est administré systématiquement au Japon, en Thaïlande et en Chine et à une échelle limitée au Viet Nam, en Inde, au Népal et à Sri Lanka. Après l’introduction de programmes de vaccination au Japon et en République de Corée, la maladie a disparu chez l’homme – bien que le virus demeure actif chez l’animal.
En dépit des succès évidents de la vaccination, les pays à risque mettent longtemps à adopter le vaccin existant, pour différentes raisons. Tout d’abord, ce vaccin est cher: de $US 9 à 15 pour les trois doses nécessaires afin d’immuniser totalement un enfant. En outre, le calendrier de vaccination pour l’encéphalite japonaise commence souvent après le premier anniversaire de l’enfant et prévoit trois doses à des intervalles irréguliers répartis sur 12 mois, ce qui rend difficile d’intégrer le vaccin dans les programmes de vaccination de routine. Ces problèmes sont aggravés par le coût du processus de production et la difficulté de fabriquer le vaccin en grandes quantités. L’offre actuelle est insuffisante pour vacciner tous les enfants dans les pays à risque. Par conséquent, la communauté internationale s’intéresse de plus en plus à un vaccin de deuxième génération.
Des nouveaux vaccins sont nécessaires
Pour vaincre l’encéphalite japonaise dans tous les pays touchés, il faut disposer d’un nouveau vaccin sûr, efficace, d’un prix abordable et qui s’intégrera aisément dans le calendrier de vaccination. Plusieurs vaccins de deuxième génération qui semblent remplir ces conditions en sont à des stades divers de développement. La Chine produit trois vaccins, dont le plus intéressant est un vaccin vivant atténué (SA-14- 14-2). Disponible depuis 1988, il a été administré à plus de 200 millions d’enfants chinois, avec de bons résultats de prévention et sans complications graves. Les études sur l’utilisation du vaccin hors de Chine montrent que son efficacité est supérieure à 95%, sans effets secondaires graves. Néanmoins, les autorisations de mise sur le marché international sont encore rares et ce vaccin n’a pas été présélectionné par l’OMS pour distribution.
La Chine produit également deux autres vaccins, utilisés uniquement en Chine. Ailleurs, plusieurs fabricants aux Etats-Unis, en Europe et en Asie travaillent sur des produits susceptibles d’améliorer le vaccin inactivé actuel. Un candidat prometteur est appelé “vaccin chimérique” car il associe des gênes du vaccin actuel contre la fièvre jaune et des gênes du virus de l’encéphalite japonaise.
Pour son projet de lutte contre l’encéphalite japonaise, le PATH travaille en étroite collaboration avec l’OMS, l’International Vaccine Institute en République de Corée, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux Etats-Unis, l’UNICEF et d’autres partenaires afin de susciter davantage d’intérêt pour un vaccin fiable et efficace. Cette nouvelle initiative donne pour la première fois l’espoir de vaincre vraiment cette maladie qui fait de profonds ravages.
Le docteur Julie Jacobson est Directrice du projet sur l'encéphalite japonaise à PATH.
Forum de la Vaccination Novembre 2004 -
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